LA STATUE DE LA REUNIFICATION QUI DIVISE LA CLASSE POLITIQUE

Destinée à représenter la paix retrouvée entre turcs et arméniens, le « Monument de l’Humanité » crée la polémique. Et pas seulement  pour des raisons esthétiques.

"Le Monument de l'Humanité". Commencés en 2006, les travaux ont été arrêtés l'an dernier par la mairie de Kars.

« Ils ont érigé une chose étrange » et « inacceptable » a déclaré dimanche dernier le Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan à propos du « Monument de l’Humanité » qui surplombe la ville de Kars, dans l’est de la Turquie.

Censée représenter les récentes retrouvailles entre la Turquie et son voisin arménien, la statue de béton, haute de 35 mètres, représente deux hommes de face, l’un tendant la main à l’autre. Son style, qui tranche pour le moins dans le paysage local, n’est cependant pas ce qui dérange  le plus le premier ministre.

En visite à Kars dimanche dernier, ce dernier a critiqué l’emplacement choisi pour ériger le monument, à 500 mètres environ d’un lieu de pèlerinage dédié à Hasan Harakani, un des pionniers de l’Islam turc au Xème siècle.  « Ils ont mis une monstruosité à coté d’un sanctuaire » a-t-il déploré, promettant que le nouveau maire de la ville, Nevzat Bozkus, membre de l’AKP, allait  « très vite faire son travail »  et transformer cet « affront » en « un joli parc » .

L’opposition laïque a qualifié de « honteuses » de telles déclarations, ajoutant que « la sculpture n’est ni étrange ni moche » .

Le sculpteur Mehmet Aksoy, qui a dessiné la statue, a défendu son travail sur la chaine de télévision NTV et déclaré que sa destruction rappellerait au monde celle des Bouddhas géants de Bamiyan par les talibans en 2001.

Des relations toujours tendues avec l’Arménie

Relayées le lendemain par le ministre de la culture Ertugul Gunay, les accusations portées contre la statue rejoignent les critiques des nationalistes qui s’opposent à toute réconciliation avec Erevan.

Les relations entre la Turquie musulmane et l’Arménie majoritairement chrétienne sont toujours extrêmement tendues.

Ankara avait fermé ses frontières avec l’Arménie en 1993 pour protester contre la guerre pour le Haut-Karabagh qui opposait celle-ci à l’Azerbaïdjan, gros producteur d’hydrocarbure et allié de la Turquie.

Le président turc, Abdullah Gül, avait fait un pas important en 2009 en allant personnellement à Erevan assister à un match de football aux côtés du président arménien Serge Sarkissian. Un geste fort, qui avait entrainé la conclusion de plusieurs accords historiques et la réouverture des frontières.

Le rapprochement amorcé par cette « diplomatie du football » n’a pas cependant donné lieu à une réelle normalisation des relations entre les deux pays, la Turquie refusant toujours de qualifier de « génocide »  les massacres de populations arméniennes durant la Première Guerre mondiale.

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